L'Irill accueille les prochaines séances du séminaire Codes Sources : http://codesource.hypotheses.org/
L'objectif du séminaire Codes sources est de présenter la pensée informatique là où elle s'exprime le plus concrètement : dans les textes que sont les codes sources.
Séance du jeudi 13 mars 2025 (14h30-16h30) :
Gabriel ALCARAS (EL2MP, médialab - Sciences Po) :
« Travailler le temps. Infrastructures, mémoires et temporalités de l’écriture informatique »
Résumé :
L’industrie informatique est souvent associée à sa rapidité, son innovation constante et sa capacité à produire des solutions technologiques à un rythme effréné. Cependant, cette cadence repose sur un travail invisible mais essentiel : la coordination de temporalités hétérogènes, qui constitue un enjeu central pour l’écriture informatique. La gestion du temps dans le développement logiciel engendre des défis spécifiques : les conflits surgissent lorsqu’un développeur modifie une partie du code qui interfère avec celle d’un autre ; les contributions doivent être orchestrées sans entraver les progrès des autres membres de l’équipe ; la pluralité des fuseaux horaires fragmente les rythmes de travail en temporalités multiples ; le tout dans un environnement professionnel où le temps vient souvent à manquer.
Alors que l’attention publique se focalise souvent sur les produits finis de l’innovation informatique, cette contribution se propose de recentrer l’analyse sur le travail infrastructurel indispensable à la coordination du développement logiciel. Plus précisément, elle explore les contraintes temporelles qui pèsent sur les infrastructures techniques, tout en analysant les dispositifs matériels et logiciels conçus pour visualiser, organiser et contrôler ces temporalités. Le développement logiciel ne repose pas uniquement sur l’écriture du code source, mais sur un ensemble d’inscriptions : documentation, commentaires, tickets de suivi, discussions techniques. Git s’inscrit dans cet écosystème en tant qu’infrastructure spécifique qui enregistre et structure l’histoire du code à travers ses artefacts propres (graphe des versions, messages de commits, etc.). En articulant mémoire et coordination, il joue un rôle clé dans la manière dont les ingénieurs appréhendent et façonnent l'histoire sociale du logiciel.
L’exposé se penche d’abord sur le modèle conceptuel au cœur de Git : le graphe. Ce dernier permet d’organiser le travail de manière asynchrone, en conservant la mémoire des états passés du code et en reconstruisant après coup une chronologie intelligible des transformations effectuées. Ce mode de structuration temporelle, loin de refléter directement le temps désordonné de l’écriture des codes, impose une temporalité reconstruite et stabilisée par des artefacts techniques. Enfin, en retraçant l’histoire longue de Git et de son adoption progressive, cette étude met en lumière comment cette infrastructure est devenue un outil central non seulement pour organiser le travail informatique, mais aussi pour visualiser l’histoire sociale du logiciel lui-même.
Lieu :
en chair et en os à l'IRILL : 4 place Jussieu, 75005 Paris métro Jussieu (lignes 7 et 10) bâtiment Esclangon plateau SCAI (1er étage, escalier extérieur) Salle des séminaires
ou par vidéoconférence : https://galene.irill.org/group/irill/codessources/ (avec un identifiant quelconque et un mot de passe vide)